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Le Cinquième 

Rêve

Extrait du livre "Le Cinquième Rêve" de Patrice Van Eersel

"Au début, le Grand Esprit dormait dans le rien.

Son sommeil durait depuis l’éternité.

Et puis soudain, nul ne sait pourquoi, dans la nuit, il fit un rêve.

En lui gonfla un immense désir…

Et il rêva la lumière.

Ce fût le premier rêve. La toute première route.

Loooongtemps, la lumière chercha son accomplissement, son extase.

Quand finalement elle trouva, elle vit que c’était la transparence.

Et la transparence régna.

Mais voilà qu’à son tour, ayant exploré tous les jeux de couleurs qu’elle pouvait imaginer, la transparence s’emplit du désir d’autre chose.

A son tour elle fit un rêve. Elle qui était si légère, elle rêva d’être lourde.

Alors apparut le caillou. Et ce fût le deuxième rêve. La deuxième route.

Loooongtemps, le caillou chercha son extase, son accomplissement.

Quand finalement il trouva, il vit que c’était le cristal.

Et le cristal régna.

Mais à son tour, ayant exploré tous les jeux lumineux de ses aguilles de verre, le cristal s’emplit du désir d’autre chose, qui le dépasserait.

A son tour, il se mit à rêver.

Lui qui était si solennel, si droit, si dur, il rêva de tendresse, de souplesse et de fragilité. 

Alors apparut la fleur. Et ce fût le troisième rêve, la troisième route.

Loooongtemps la fleur, ce sexe de parfum, chercha son accomplissement, son extase.

Quand enfin elle trouva, elle vit que c’était l’arbre.

Et l’arbre régna sur le monde.

Mais vous connaissez les arbres. On ne trouve pas plus rêveurs qu’eux (ne vous amusez pas à pénétrer dans une forêt qui fait un cauchemar).

L’arbre, à son tour, fit un rêve.

Lui qui était si ancré dans la terre, il rêva de la parcourir librement, follement, de vagabonder au travers d’elle.

Alors apparut le ver de terre. Et ce fût le quatrième rêve. La quatrième route.

Loooongtemps, le ver de terre chercha son accomplissement, son extase. Dans sa quête, il prit tour à tour la forme de porc-épic, de l’aigle, du puma, du serpent à sonnette. Longtemps il tâtonna.

Et puis, un beau jour, dans une immense éclaboussure…au beau milieu de l’océan…un être très étrange surgit, en qui toutes les bêtes de la terre trouvèrent leur accomplissement, et ils virent que c’était la baleine.

Longtemps cette montagne de musique régna sur le monde. Et tout aurait peut-être dû en rester là, car c’était très beau. Seulement voilà…

Après avoir chanté pendant des lunes et des lunes, la baleine, à son tour, ne put s’empêcher de s’emplir d’un désir fou.

Elle qui vivait fondue dans le monde, elle rêva de s’en détacher.

Alors, brusquement, nous sommes apparus, nous, les hommes.

Car nous sommes le cinquième rêve, la cinquième route, en marche vers le cinquième accomplissement, la cinquième extase. 

L’homme devra être très attentif car, dans la moindre couleur, toute la lumière est enfouie.

Dans tout caillou du bord du chemin, il y a un cristal qui dort.

Dans le plus petit brin d’herbe, sommeille un baobab.

Et dans tout ver de terre, se cache une baleine.

 

Au temps auquel ce mythe nous est conté, la légende ne dit pas quelle est cette cinquième extase, seule les baleines le savent.

Le reste du conte n’est pas encore écrit, cela appartient à l’homme.

Une chose est sûre cependant, si l’homme veut trouver son propre accomplissement, sa propre extase, et passer au sixième rêve du vivant, il lui faudra écouter et respecter, comprendre et aimer les accomplissements des rêves qui l’ont précédé plutôt que de les détruire. Car ce faisant, il se détruit lui-même.

Aimer et comprendre la lumière, le cristal, l’arbre et la baleine.

L’homme n’est pas le plus bel animal, il est le rêve de l’animal.

Et ce rêve est encore inaccompli."

Image de Greg Rakozy
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